Retour de Gennetines 2010

L'A.E.A.D.T. c'est l'association européenne des amoureux des danses traditionnelles qui gère, entre autres, les 2 "grands bals de l’Europe".

Photo de Serge Coquelut, Gennetines 2010Sur la route du retour, de ce grand bal Gennetines 2010, je m’interroge : ne faudrait-il pas enlever ce T ? Dans plusieurs ateliers, dans de nombreux bals, le mot tradition ne veut plus rien dire. Danses libres, danses schamallows, fleurissent comme les soucis et les marguerites dans notre jardin. Elles sont jolies, mais elles envahissent tout ! Les noms de mazurka, scottisch ne signifient plus rien, juste une étiquette pour faire croire que …

Je suis pour les fantaisies en bal, pour l’originalité, la créativité dans les danses de couples. J’ai toujours enseigné qu’il faut jouer avec son partenaire, mais à partir des pas de base. La danse est un jeu à 2, et c’est essentiel, mais c’est aussi un mode de relation entre les couples dans l’espace de danses. Tourner en couple, autour d’un centre imaginaire, environné d’autres couples évoluant de la même façon, cela a quelque chose de magique, de cosmique : des électrons libres attirés, retenus, par la même musique, se frôlant, se côtoyant, se dépassant, se regardant du coin de l’œil, attentifs à ne pas se heurter : quel plaisir quand cela fonctionne ! Les danses libres, les danses schamallows ne respectent ni les pas de base, ni les autres couples qui dansent sur le même parquet. Chacun dans sa bulle, ils dansent sans même tenir compte des rythmes de la musique (quand il y en a), tout à leurs sensations intérieures. Pourquoi pas, mais peut-on donner à ce courant le nom de danses traditionnelles ? Et faut-il enseigner cela en atelier ?

Photo de Serge Coquelut, Gennetines 2010Les musiques de bal qui rassemblent tous ces schamallowistes sont le plus souvent dans le même esprit : des sons, des notes, un vague rythme parfois reconnaissable, mais aucune vraie mélodie qu’on chantonnerait dans sa tête, aucun élan dans les danses typées. Mais pourquoi pas ! Les goûts et les couleurs …..

J'ai vu un bal au piano, fade et sans couleur mais jouant sur un parquet bondé de schamallowistes, pendant que plus loin un harmonica dynamique, plein d'élan de danse, jouait des danses variées et plaisantes devant un public clairsemé de danseurs gais et passionnés ; j'ai entendu une flûte seule jouer de manière plus dansante qu'un duo dont le parquet surpeuplé rassemblait des danseurs sans élan et sans saveur.

Le monde attire le monde comme le nombre de voitures devant un restau nous fait dire qu'il est bon ! Le parquet de jeunes attire les plus vieux qui veulent bien serrer dans leurs bras plein de sueur de jeunes filles graciles pour des danses chaloupées.

Photo de Serge Coquelut, Gennetines 2010En bal ce genre de musique ne me gêne pas, je les évite ; je n'ai rien contre les groupes plus «jazzy», ou plus «rock». Il en faut pour tous les goûts, même si, de mon point de vue, ce métissage va vers une uniformisation de toutes les musiques.

Mais en atelier lors des grands bals de l’Europe, il faut à mon sens, respecter au moins un peu les «traditions» et surtout "l’esprit du grand bal" : respect des autres, convivialité, danser ensemble (même en couples), partager les plaisirs de la danse, rester simple et modeste !

J’ai vu des ateliers où l’intellectuel prime tellement que je me suis dit : mais où est la danse dans tout ça. J’ai observé des découpages au laser de pas, de mouvements, tels qu’aucun élan de danse n’est possible. J’ai entendu des animateurs dire des choses fausses sur les bases, mais avec aplomb et pédagogie. J’ai été énervée par certains ateliers parce que l’animateur était là avant tout pour que le groupe puisse jouer et se vendre, mais qu’il n’avait rien à montrer ou à dire d’intéressant. A côté de cela j’ai aimé l’élan de danse de certains animateurs, leur façon simple et utile de lier les pas, les mouvements, la légèreté, sans oublier d’insister sur la relation aux autres, le maintien des danseurs et la convivialité en danses. Dommage qu’ils aient été trop peu nombreux !

Photo de Serge Coquelut, Gennetines 2010Une scottisch a un rythme dynamique, une mazurka a de l'élan, une valse a de la grâce, une bourrée a du tonus, un mixer de la convivialité. Pourquoi tout écraser ?

A vouloir métisser les musiques et les danses on ne fait bien ni un genre ni l'autre et pour moi le plus souvent l'on y perd en force. J'ai été frappée par le sentiment d'uniformisation de ces créations musicales sans mélodies chantantes, mais avec basse, section rythmique comme le veut notre génération de musiques de variété. Est-ce là l'avenir des danses et musiques traditionnelles : une seule mazurka, sorte de slow, une seule forme de danse en couple pour toutes les danses, une bourrée (droite et rapide), danser les yeux fermés sans tenir compte des autres, ....? Danses OGM construites à partir de bases artificielles ou danses issues des traditions ?

Les musiques traditionnelles doivent-elles, pour se populariser, devenir des musiques de supermarchés, fades et incolores ?

Tout évolue et c'est dans la logique des choses mais quelquefois les choses n'évoluent pas dans le "bon sens". Actuellement et je le constate depuis plusieurs années, nous allons vers l'uniformisation et non vers la diversité des danses, vers la pauvreté et non la richesse des différences, vers le chacun pour soi et non vers le "danser ensemble".

Danyèle

Photo de Serge Coquelut, Gennetines 2010