Shamalow et néotrad - 2/2

Photo Samuel LagneauLe lendemain, lecture de la liste des ateliers. Dommage, rien ne m’attire en particulier. Je relis pour vérifier. Tiens, qu’est-ce ? « Mazurka intime » parquet 8. Ouuuuuulala, ça m’intéresse ça. D’après ce qu’on dit de moi, je mets autant d’intimité dans ma danse qu’un cochon met de Proust dans ses grognements, alors hein ! Peut-être puis-je m’améliorer (ouiiiiiiiiiii je sais que tu en doutes mais j’ai le droit de rêver verflucht nochmal !

Mais pas pour danser ! Oh que non, attend, mettre de l’intimité dans la danse, ça pourrait être dangereux, peut-être même troublant…vouiiiiiii ! Soyons sérieux. Je m’assoie sur une chaise au bord du parquet. Un monde fou, bourré le parquet. L’animatrice se présente, et elle commence à décrire une situation dans laquelle une personne va en inviter une autre mais ne sait comment se comporter pour lui signifier qu’elle aimerait intimiser leur danse.

Là, je dubitative à donf : je sais comment on fait, je pratique couramment tu penses ! Tu saisis le bras de ta partenaire, tu le lui passes dans le dos et tu remontes au plus que tu peux et quand elle grimace, c’est bon, tu lui demandes gentiment « un peu d’intimité vous siérait ? » Elles refusent rarement. C’est vrai que souvent elles gémissent mais ce doit venir de l’effet que je leur fait, hein, qu’en penses-tu ? Quoi ? Elles ont bobo ? Sans blague ! Et ce n’est pas comme ça qu’il faut faire. Ah bé mince alors ! Attends, je vais écouter l’animal triste, heu l’animatrice pour apprendre… Qui explique qu’il faut avoir un comportement qui fait comprendre à l’autre bouché(e) ce que tu veux. Pour ceci, il suffit de venir se placer devant la personne convoitée, l’œil dans l’œil (si tu en as plusieurs ça fait yeux dans les yeux. Si une des personnes en a un seul et l’autre deux ou plusieurs…tu improvises) puis tu avances d’un pas vers cette personne pour venir te coller à elle. Tu n’avais pas pensé à ça hein !
Maintenant mets toi dans la position de la personne sollicitée. Quelqu’un s’est planté devant toi puis est venu quasiment se poser les panards sur tes grolles. Tu sais donc de quoi il retourne… Et la dame de bien expliquer que tu as maintenant le choix entre 3 solutions (elle les énumère :" la une, la deux et la trois" !) Elle répète pour que tout le monde comprenne. C’est bon pour moi, j’ai pigé.
Puis elle détaille : la une consiste à ne pas bouger. Elle signifie donc que tu acceptes la proposition d’intimité. Vous vous roulez donc une pelle en commençant de vous déloquer…. meuuuh non, c’est pour danser une mazurka, allons !

La deux, tu recules. Tu reprends donc un peu de distance. (si tu es une femme, tu en profites pour discrètement rebomber ton soutif) L’autre comprend alors que tu veux bien danser cette satanée zamurka mais pas intime, et paf Et la trois, tu lui tournes le dos à l’autre enflure qui t’écrase les arpions et qui en plus pue de la gueule. Normalement cette personne devrait comprendre que tu refuses…Ratapafpaf !
C’est bien beau tout ça, mais en pratique ?... Ben on va faire ! T’inquiètes !

Elle demande au gens de former deux cercles, un extérieur composé de femmes qui regardent vers le centre et un intérieur d’hommes qui se placent devant une femme en la regardant.
"D’abord les hommes, avancez d’un pas… ça y est tout le monde est dans la bonne position ?... Non ? Vous monsieur vous n’avez personne devant vous…."
Puis au bout d’un moment : "maintenant mesdames, réagissez. Restez sur place, ou reculez ou tournez-lui le dos"… Brouhaha, confusion… il faut donc recommencer… Puis, attention," maintenant tous les hommes se décalent d’une dame vers la droite…"

Et le manège recommence. Nouveau décalage, nouvel essai… La dame demande à ce que les réactions changent, il ne faut surtout pas toujours répondre la même chose… Nouveau décalage, nouvel essai. Et devant mes yeux, là tout prêt de moi, la dame sollicitée par un petit barbu à l’air très sérieux et appliqué lui tourne le dos et se casse en deux lui présentant son fessier. Elle hilare, moi tordu de rire et le petit barbu mi figue mi raisin, le regard fixe sur la paire de fesses !!!

Et le manège continue…
Déjà 25 minute que cet atelier est commencé, je décide de me payer un sorbet aux fraises…

Et voilà t’il pas que je retombe sur l’ami musicien. Je lui raconte, il est proche de la peau plexi (glass bien sûr) (c’est vraiment nul comme jeu de mot hein, hihihi, ça t’énerve ? J’adore !). Et nous revoici devant un parquet avec musique de jeunes ! Ben oui, le nom ce n'est pas "vélo rail" c’est " néotrad ", ce cher néotrad. 10 ans au moins de conservatoire à bigler sur des pages de petites taches plus ou moins sur des lignes. Des années à techniciser ton jeu, ton doigté, ton vibrato, ton filé de son…Et tout ça débouche sur de la note à la mitrailleuse, jouée au kilomètre, sans respiration, sans accent…et jamais l’archet ne quitte les cordes du violon, et la main gauche parkinsonise ta bourrée sur toutes les notes tenues. Et le chromatique à 18 basses ensable ta polka. Et le saxo klezmérise ta valse à cinq temps (enfin …elle fut annoncée comme telle !).. et ta valse sonne comme une polka sonnant comme une bourrée sonnant comme une mazurka sonnant comme un cercle… Mais le néotrad est-il envahissant, risque t’il de pousser les anciens, les vieux, les puristes vers la sortie (des artistes bien sûr) ?
Meuuuuuh nooon ! Aucun risque, tu penses !
Quelques copains s’échangent leurs idées là-dessus, plutôt rassurants les types. A côté d’eux, un petit groupe joue de la musique cajun, une valse cajun pour être précis (paf dans le mille). Pas de danger que le néotrad reprenne cette musique à son compte ! Le cajun a déjà résisté à l’envahissement par le jazz, le rock, la variétoche alors hein… ! Un couple de jeunes passe, s’arrête devant les musiciens, s’imbrique l’un dans l’autre et nous schamallowise la valse ! Les musiciens terminent leur morceau, passent à un two step. Les jeunes reprennent leurs ondulations, le chamallow à peine plus nerveux (ou moins mou du genou pour être précis). Sidération !
Ah que vive le néotrad, la zik autoroutière au kilomètre pour le chamallow mollasson à la tonne !

Alors c’est ça St Gervais, c’est ça le paradis ?
Mais non, il y a aussi l’enfer, celui des vieux : les vraies bonnes maraîchines d’A., des ronds de St Vincent de Ph P., des polskas de M., du Fliekker de G.L., des maclottes de H. des bourrées de M., des sautières de R., des valses de D.M., des branles de G. .. et plein d’autres. Des archets qui raclent et tressautent, des diatos qui déchirent, des vièles qui ont du clébard mordant… Et j’ai compris le rondeau da la vallée d’Ossau, dégrossi le branle de cette même vallée, plus que dégrossi la Røro pols novégienne, pris mon pied dans la maclotte de mr Havelange, fait fumer mes semelles dans l’avant-deux du Boupère… Et puis, et puis, et puis il y a les doigts de Gilles qui dansent un menuet du diable sur les cordes de son épinette. Le lac des cygnes ? Quelconque à côté, si si, j’affirme… Décrire sa musique ? Attends, peux pas, il pleut de bonheur dans mes châsses…je fuis des lacrymales… Pas demain la veille que le néotrad me fera ça !

Jean-Paul d'Infofolk