Jambe de boué

Atelier de danse dans un festival, cette fois ce n’est pas du folk, mais du tango, ou peut-être de la salsa, ou un swing américain ? Je ne sais plus, ça n’a pas d’importance, danse de couple en tous cas. Il fait beau, il fait chaud, on transpire dans son débardeur, sa jupe courte ou son bermuda.

A chaque reprise, l’animateur clame « on change ! » (... de partenaire), c’est drôle et c’est bien sympa : au hasard, me voilà dansant avec un gamin dégingandé, un beau mâle bronzé, un autre ventripotent, un jeune à dread locks, et maintenant un homme grisonnant et plein d’énergie, pas plus maladroit que moi, ouf ! Et avec celui-là, ça s’éternise : l’animateur oublie de nous faire changer de partenaire. Donc, je danse avec lui quinze bonnes minutes. Ca marche de mieux en mieux, les figures s’enchaînent, tout va bien ! Il a de beaux yeux bruns pleins de chaleur, et des rides de rire au coin des yeux.
Mais au bout de ces quinze minutes, je m’embrouille. Oh la la, que cette figure est difficile... Alors, je fais ce qu’il ne faut jamais faire : je regarde mes pieds. Et les siens. Et là, le choc : je vois LE sien. A gauche, pied dans la sandale, jambe, genou, c’est du plastique. Oui, une prothèse. Il danse.

C’est au bout de quinze minutes de danse que je m’aperçois que mon cavalier n’a qu’un seul genou de chair ; même pas cachée, la prothèse, l’articulation ouverte et visible. Je n’ai rien senti, j’ai dansé avec plaisir et succès avec un unijambiste.

Jambe de boué ! Bravo, ah bravo !

Il a bien raison de se mettre en bermuda. Une jambe en moins, ça ne l’empêche pas de danser !

Cheveux Gris.

Atelier de danse à Saint Gervais - photos Serge Coquelut