Le Fest-noz d'hier et d'aujourd'hui

Le fest-noz a été inscrit sur la Liste de l'UNESCO représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité le 5 décembre 2012 à la suite d'une demande qui a été portée par un collectif, Dastum assurant l'intendance de cette démarche. Une notion intéressante dans la définition de ce classement : "Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération" ; il ne s'agit donc pas simplement de patrimoine (tout ce que l'on hérite de nos parents), le terme plus approprié serait plutôt « tradition » qui recouvre la même notion, mais avec une pérennité dans la transmission, un impératif de longue durée.
Avec ce classement se pose la question du devenir du fest-noz. Il y a peu et conjointement, deux visions du fest-noz se sont télescopées, l'une provenant de Basse-Bretagne souhaitant que l'on garde le fest-noz dans son jus (1), l'autre désirant l'adapter aux demandes actuelles d'une partie de la clientèle de ces manifestations en Pays rennais (2), la localisation n'est pas innocente. Le premier fustigé les manifestations policées et millimétrées avec un grand nombre de danses où l'on s'efforce de répondre aux demandes les plus extravagantes des danseurs, l'autre se demandant justement s'il ne fallait pas s'en préoccuper et y répondre favorablement. Pour finir, une vidéo a enfoncé le clou (3).


Fest-noz Diwan à Saint-Brieuc, probablement la Riquenié du rond de LoudéacFest-noz Diwan à Saint-Brieuc,
probablement la Riquenié du rond de Loudéac

Entretiens avec Loeiz Ropars, en 2004, Christophe Le Menn a recueilli par trois fois le témoignage de Loeiz Ropars, l'un des initiateurs du fest-noz moderne, sous forme de vidéo et d'une durée de 44 minutes. Je dispose d'une copie de cette vidéo que Christophe Le Menn n'a pas encore mise en ligne, je vais donc en extraire quelques éléments, lui laissant la primeur de son travail.
Il a vu un fest-noz chez son grand-père en 1928 et a été frappé par le « recueillement » ; puis le kan ha diskan a disparu dans les années 1930*. Il ne restait que la « Dañs ar Bocquet » pour tous les mariages où tous entraient dans la ronde, que l'on sache bien ou mal danser ou pas du tout.
Plusieurs observations :
• Si à Poullaouen et à proximité, l'on avait arrêté de danser, il semble que dans certains coins de campagne cette pratique ait perduré. Les Frères Morvan le disent assez facilement, tous les soirs après le repas où lorsqu'ils avaient des visites, le père disait « maintenant on fait la danse » ; on poussait la table et les chaises et on dansait dans la ferme. Quelques rares témoignages laissent à penser que cela n'était pas unique ; les collecteurs qui recherchaient des airs à danser, se sont peu intéressaient aux pratiques.
• Le recueillement est en totale opposition avec l'amusement que l'on rencontre actuellement, surtout en ville, les danses en ronde mènent assez souvent à une forme de transe, encore faut-il que le milieu s'y prête.
• Dernière notion, on acceptait tout le monde dans la danse, quand aujourd'hui, dans l'orbite des clubs de danses, certains deviennent des intégristes du bien danser, bien que leurs danses n'ont jamais été pratiquées de cette manière par les danseurs traditionnels.
Les jeunes se sont mis à chanter et danser pendant la guerre, en 1942-43.
Le 26 décembre 1954, il a organisé une manifestation nommée « Kan ha diskan », suivie d'autres pour lesquelles il a placé les chanteurs sur une estrade et derrière un micro, le public a suivi au-delà de ses espérances. L'appellation fest-noz à était reprise de celle employée localement, à l'ouest de Carhaix. Il insiste sur l'importance du chant qui ne doit pas être couvert par la musique et regrette l'effet vedette produit par le micro.
Puis il souligne ceci : « Ne pas se lancer dans des danses pour spécialistes de la danse, ça, c'est la mort du petit cheval ! Comment voulez-vous que la danse bretonne tienne le coup face au rock, aux raves ? Si on est parti comme cela, avec un nombre indéterminé de pas de danse de Bretagne, d'Auvergne, de partout ; le résultat, c'est que la participation diminue. »

Danse avec les sorcières (fest-noz de protestation contre une possible déchèterie), An dro avec Plantec à MauronDanse avec les sorcières
(fest-noz de protestation contre une possible déchèterie)
An dro avec Plantec à Mauron

Justement, de pratiques traditionnelles où seul un nombre très réduit de danses revenaient tout au long d'une soirée, recherche de transe oblige ? Certains sont passés à une pratique encyclopédisme et à un académisme dans lesquels seuls le respect de la chorégraphie et le grand nombre de danses compte, quitte à aller chercher des danses les plus improbables, des variantes récentes, des collectes mal comprises, des danses inventées ou introduites de régions ou pays étrangers. Bref, des manifestations qui n'ont plus en commun avec le fest-noz des origines que le nom.

Cela peut aussi s'appliquer à toutes les anciennes danses de France et de Navarre que l'on fait revivre et qui sont sorties de leur contexte pour en faire des loisirs culturels, des passe-temps hebdomadaires, finalement des activités pour urbains désœuvrés.
Et si l'on retrouvait la simplicité, si l'on essayait de se rapprocher des ambiances originelles où l'on ne dansait pas en costume d'apparat, mais en tenue de tous les jours, on avait rarement d'autres vêtements...

Pour en lire plus : Fest-noz blues

Paroles de Ch' ti Flamand

1 - Fest-noz fiction, avec des suites 2, 3 et 3 bis
2 - Rencontre autour du fest-noz en Pays rennais
3 - Vidéo de Lors Roblochon inspecteur de fest-noz

 

Passe-pied (ou Pach'pi, c'est pareil) Fete des 85 ans et des 71 ans de chant de Louis LALLOUR à Plourac'h

Passe-pied (ou Pach'pi, c'est pareil)
Fete des 85 ans et des 71 ans de chant de Louis LALLOUR à Plourac'h

 

Gallerie de photos de Jean-Luc Kokel http://jluk.photoshelter.com/gallery-list