Vestes indigestes, revers et frustrations d’un danseur

« Puppet », L.A. Gallery

Le bal folk, même festif à 99,9%, n’est pas fait que d'enthousiasme, de sérénité et de joie exemptes de certains accrocs. Il est aussi le théâtre de contrariétés, de petites déceptions, de stratégies infructueuses, de micro drames et de vraies frustrations. L’on peut se les remémorer avec humilité et si possible avec le sourire. Car parmi bien des petits bonheurs vécus sur la piste et autour des parquets, il faudra bien encore savoir digérer d’autres menus ratages.

  • Elle danse, parfaitement, techniquement, mécaniquement, sans s'intéresser une seule seconde à moi, réduit à être son faire-valoir. Elle ne m'y reprendra plus. Androïde, cyborg, iceberg égaré ? Sauve qui peut !
  • Elle maîtrise enfin la bourrée délicate que je lui ai patiemment enseignée et depuis, elle ne la danse plus jamais avec moi. Pire, elle la transmet à d'autres. Mauvaise donne.
  • Elle manque au comptage d’une « Valse des roses » démarrée trop tôt et très vite je me retrouve seul, regard incrédule, les bras vides et ballants, sans pouvoir enchaîner en bout du cercle incomplet. C’est le bouquet.
  • Elles se rapprochent inexorablement sur ma gauche, un chapelet de cinq fillettes, mes imminentes prochaines partenaires successives du cercle circassien. Déjà avec rien qu’une seule… Bien mignon tout ça, mais où sont les femmes? Et avec mon mètre quatre-vingts, les écolières vont valdinguer dans tous les sens, à chaque swing. Patience, donc. Je vais danser zen et même zen triple plus.
  • Elle prétend gentiment ne vraiment pas savoir danser (une scottish sans malice, pourtant !) et reste assise en déclinant mon invite. Mais j'insiste naïvement, obstinément et j'aggrave mon cas, perseverare diabolicum. Elle accepte. Elle avait dit vrai.
  • Elle me vante le talent de tel danseur de haut niveau et de sensualité exceptionnelle. Moi je trouve qu'il tourne comme un percheron de cirque pour un numéro d'écuyère. Ah, oui, c'est du circassien.
  • Elle veut prendre toute l'initiative au cours de la danse et me transformer en marionnette à manipuler. Je reste de bois et m'épuise à résister.
  • Elle me motive pour aller au fest-noz. Au bout de deux heures de chaînes, j’ai eu contact avec son petit doigt sur quatre endros, un kazh ha barh, trois ronds de Saint-Vincent et un de Loudéac, plus deux laridés, contact avec sa main et son avant-bras sur deux hanterdros et trois gavottes. Il ne manquerait plus qu’un intermède non-breton pour solitaires avec Brande, Carnaval de Lantz, Fandango et Sept sauts, soit zéro toucher. Ah, mon royaume pour une scottish.
  • Elle tourne précipitamment les talons dès la danse avec moi terminée, or il n'est pas minuit tapant et elle n'a rien de Cendrillon. Terrorisée ou dégoûtée ?
  • Elle ne m'invite jamais (ni ne recherche quiconque d'autre, d'ailleurs) et attend trop classiquement qu'un cavalier la sollicite, comme dans un bal de salon ou de cour, régenté par Sissi l'impératrice et la reine Victoria réunies. Diantre. A l’aube du XXIè siècle ?! 

(A suivre)

Amato