Les premiers artistes folk français

Au début des années 70, alors que de nombreux artistes français imitent les musiques rocks anglophones, quelques-uns, plus innovateurs, recherchent leur propre identité culturelle. La musique traditionnelle s'avére alors une source d'inspiration riche et variée. Ils ont été nombreux, en voici que quelques-uns. 

Alan Stivell

Auteur-compositeur-interprète et musicien breton. Alan est à la base de la renaissance de la harpe "celtique" et de la musique bretonne moderne. En 1955, à 11 ans, Alan joue à l'Olympia d'un modèle de harpe disparue depuis longtemps, reconstituée par son père. Il se passionne pour la culture et la musique celtique. Alan découvre le folksong et sympathise avec les musiciens du Bourdon. Ses premiers enregistrements folk, c'est avec Graeme Allwright, folk-singer renommé, et Glenmor, le « pape » de la nouvelle chanson bretonne. Son premier quarante-cinq tours, Flower Power, sorti en 1968 est un fiasco. Stivell se serait laissé happer par l'industrie du disque. Son premier album Reflets, sorti en 1970, rassemble des chansons traditionnelles celtiques modernisées. Longuement travaillé, il remporte un immense succès. Les albums suivants lui valent de nombreux prix. En 1972 et 1973, il fait salle comble à l'Olympia et à Bobino. Son influence a été considérable.

Tri-Yann

Tri-Yann

C'est en 1970, jour de la Saint Jean, à Plouharnel près de Carnac, que Jean Chocun, Jean-Paul Corbineau et Jean-Louis Jossic jouent pour la première fois du traditionnel breton, accompagnés de guitares et de flûtes, devant un auditoire d'amis. Leur répertoire est, au départ, influencé par le folksong américain : les instruments traditionnels régionaux sont absents et ils utilisent plus volontiers les instruments du folksong (guitare acoustique, banjo, dulcimer). La démarche de Tri Yann est de sortir la musique bretonne des cercles celtiques et de faire en sorte que les adeptes de Bob Dylan, de Joan Baez, des Beatles ou des Rolling Stones l'apprécient. Le quatuor amateur se produit autours de Nantes. Peu à peu, nos musiciens prennent conscience que chanter en breton constitue un moyen efficace de lutter pour la préservation de leur culture, pour la réhabilitation d'une identité longtemps bafouée. Ils se constituent un répertoire à partir des recueils de chansons populaires ou en puisant à la source de la tradition orale. Après un premier album bricolé en 1972, ils se professionnalisent et enregistrent plusieurs albums très folk. Cédant à la tentation électrique, le groupe s'élargit et enregistre en 1976 «La Découverte ou l'Ignorance». Tri Yann fait ainsi goûter la musique d'inspiration traditionnelle bretonne à un public élargi. C'est aussi l'année de leur succès à l'olympia. Au cours des années 80 leur succès est plus mitigé, mais revient dans les années 90 avec la vague du renouveau celtique. En 2003, le groupe produit son dix-septièmealbum «Marines». 

Malicorne

Malicorne

Formé au début de Gabriel Yacoub, Marie Yacoub, Hughes de Courson et Laurent Vercambre dont certain d'entres-eux ont d'abord joué au Centre Américain (où se rencontrent des musiciens folk) et participé aux premiers festivals folk. Gabriel joue avec Alan Stivel pendant deux ans. Sensible à l'appel de Pete Seeger, il entreprend de réaliser un album folk français et effectue ses premières recherches sur le répertoire traditionnel français. Il donne ainsi naissance en 1973 à «Pierre de Grenoble», publié sous le nom de Gabriel et Marie Yacoub. L'album marque un véritable tournant dans l'histoire du folk français : il inaugure l'utilisation des instruments électriques dans la musique traditionnelle française et surprend par sa cohésion et sa richesse instrumentale. Ce succès encourage Gabriel à former un véritable groupe de folk français qui s'oriente vers une musique nouvelle, moderne, ancrée dans la tradition. Malicorne et né novembre 1973, Jacques Vassal écrit dans Rock & Folk : «Malicorne a des chances d'être le premier groupe à faire sortir le folk français des circuits spécialisés (folk-clubs, festivals) pour amener à une diffusion de plus grande envergure». Les deux albums suivants sont un succès. En juin 1975, Gabriel expose clairement sa conception du folk à Nicolas Cayla, rédacteur en chef de l'Escargot Folk : «Le rêve de beaucoup de musiciens, le nôtre entre autres, est de faire redevenir cette musique populaire parce que tout le monde peut en jouer, peut chanter, peut l'écouter facilement». Les années suivantes, le groupe enchaîne les albums et les tournées en France et à l'étranger. A la fin de la mode folk dans les années 1980, certains membres entreprennent des carrières solo. 

Mélusine

Melusine

Jean-François Dutertre découvrent le lieu magique qu'est le Centre Américain et crée en 1968, avec Jean-loup Baly (qui les a "incité" fortement de chanter en français) et Grelo Bayou, le groupe Les Escholiers qui sera le protoype de "Mélusine".Ils se produisent au festival de Lambesc en 1970. En 1972 à Strasbourg, Jean-François intègre profesionnellement le groupe "le Grelot Bayou Folk" et travaille avec d'autres musiciens sur l'alliance des instruments classiques et traditionnels. En 1973 se crée le groupe Mélusine formé de Jean-Loup Baly (chant, accordéon...), Jean-François Dutertre (chant, épinette...), Dominique Regef et Emmanuelle Parrenin qui se lance sur les routes de France. Yvon Guilcher les rejoint et apporte au groupe sa solide culture sur la musique et les danses traditionnelles. Yvon et Jean-François enregistrent en 1973 un premier album, "Pré-folk" : la préhistoire du folk, chansons à répondre, que la critique accueille fort bien. En 1975, après quelques changements dans la composition du groupe, Mélusine sort trois albums. Leur répertoire de chansons et d'airs mêle des œuvres du Moyen-Âge à des pièces collectées auprès de musiciens traditionnels. L'interprétation et les arrangements se tiennent proches de la tradition dans l'esprit (à la différence de Malicorne). Au Festival de musique traditionnelle et non-écrite de Châlons-sur-Saone, Yvon inaugure le premier atelier de danse d'envergure, aux côtés d'André Dufrêne, considéré comme l'inventeur du bal folk en France. Yvon animera ensuite de très nombreux ateliers de danses traditionnelles. Mélusine enchaîne ensuite festivals folk et albums aux sonorités diverses, au total, neuf jusqu'en 1990. 

La Bamboche

La Bamboche

Groupe amateur, la Bamboche commence par animer les soirées de la Chanterelle, puis, plus tard les festivals folk. Ils deviennent ensuite salariés du Théâtre National Populaire où ils créent un univers musical basé sur la musique traditionnelle ardéchoise. La troupe tourne alors dans les grands théâtres nationaux. En 1975, ils croisent un certain Hugues de Courson, directeur artistique de la maison de Malicorne avec qui ils enregistrent leur premier album. D'inspiration traditionnel, il alterne les chansons et les danses tirées de recueils ou issues de collectages. Dans l'ensemble, les sonorités d'instruments traditionnels dominent et confèrent une couleur spécifique au groupe. Sobriété de l'interprétation et respect de la tradition sont les maîtres mots de la formation. C'est le début d'un grand succès. Les albums suivants sont similaires : accompagnement musical discret et voix dominantes alors que le cinquième et sixième et dernier album sont plus détonnants. 

Phil et Emmanuelle

Phil et Emmanuelle Fromont

Philippe Fromont dit "Phil" est le violoniste du folk par excellence. Personnalité incontournable du mouvement, il apporta sa contribution de musicien talentueux à de nombreux groupes, et créa en 1972 « Phil et Emmanuelle » avec sa compagne, Emmanuelle Parrenin. Celle-ci éclaira le petit monde du folk d'une touche de féminité et s'illustra dans diverses formations par son chant clair et limpide. Elle fut membre de la première formation de Mélusine et par ailleurs l'une des premières musiciennes à jouer de la vielle à roue, de l'épinette et du dulcimer. Ils ont publié trois disques au sein de trois formations différentes.

 

Et il y a d'autres artistes comme La Chanterelle, Le Claque Galoche, Le Grand Rouge, La Kinkerne, René Werneer, Lyonesse, La Confrérie des fous, La Chifonnie, ar Menez, Sonerien Du, An Triskell, Dan ar Braz, Gwendal, Satanazed, La Mirlitantouille, La Godinette, Bill Deraime, Alain Giroux, Eric Kristy, Mick Larie et Jean-Marie Redon, Jean-Jacques Milteau, Youra Marcus, Gérard Dole, Dague, Grop Rosamonda, Lambrusc, Miqueu Montanaro, Mont Loia, Rosina de Peira, Perlinpinpin Folc, Riga-Raga, Los del Sauveterre, Roger Siffer, Géranium, Les Luschtiga Malker, La Manivelle, Chalibaude, La Chavannée d’Montbel, Ellébore, Maluzerne, Tarentule, Café-Charbon... Certains sont encore actif aujourd'hui.

 

Extraits du document Le mouvement folk en France (1964-1981) rédigé par Valérie Rouvière dans le cadre de sa maîtrise d'Histoire culturelle contemporaine. Vous pouvez télécharger le document complet ici : 160 pages, sur le site de la CMTRA.