St Patriiiiiiiiiick ! Et Sainte Brigitte ??
J’aime l’Irlande, ses musiques, sa pluie et son beau temps, son foot et son rugby. J’aime la bière mais n'en consomme qu'avec grande modération (pour danser plus léger…) Je suis de longue date perplexe - un certain penchant intello laïc- sur la nouvelle niche hexagonale de la "St-Patrick" en mars (culturelle, cultuelle, économique)-, pour diverses raisons esquissées ici. Fête patriotique catho-bistrot-rétro-(réac ?)- ou, au contraire inoffensif défoulement festif rigolo, à peine folklo au sortir de l'hiver frigo ? Questions sans réponses.
Équations
Pourquoi cautionner une vision sempiternelle et très conservatrice via les équations « Irlande = musique traditionnelle = bière » (une marque précise et fameuse étant toujours citée avec un air entendu à ce moment-là pour faire mousser encore plus vrai). C’est réducteur et inexact, car on boit aussi beaucoup de thé là-bas, non ? C'est aussi lourd et cliché que notre pesante trilogie touristique locale "cigognes-choucroute-flonflons" en Alsace où je vis. Sorry.
Mœurs
Le bon St Patrick (né Maewyn Succat), grand prédicateur et évangélisateur du catholicisme des premiers siècles, éradicateur de tous les sataniques serpents sifflants d’Irlande, a pour descendance sur la verte Erin des mœurs encore particulièrement lentes à évoluer. L’Irlande interdit l’IVG sur son sol (et le divorce n’y est légal que depuis 1995). Pas de quoi danser la jig du progrès. Je veux bien me laisser convaincre d'emblée que ses musiciens et danseurs de référence ne souscrivent pas à ces ancestrales limites, mais je n'en sais rien. Amalgame et hors sujet ? Rassurez-moi. Help !
Canonique
Imaginons que réciproquement pour « notre » Ste Jeanne d’Arc, de Dublin à Galway et de Dunkerque à Pointe-à-Pitre l'on festoie dévotement ici et là en essaimant notre liesse sur la planète, sur fond de drapeaux tricolores (comme pour le 14 juillet, aussi) à lamper des canons de St Emilion en ambiance Horner-Verchuren. Ou qu’en Alsace, à la St Joseph et à la Ste Odile (nos saints patrons) l'on se gorge institutionnellement de nos meilleurs breuvages houblonniers et viniques, au son des cuivres rhénano-bavarois et sous le haut patronage de l’évêché et des producteurs locaux réunis… Good Lord !
Oh when the Saints…
Etranges coutumes…Il existe aussi une autre patronne officielle de l'Irlande, trop méconnue, la belle et chaste Ste Brigitte de Kildare, abbesse fondatrice d'un couvent au Vè siècle, à qui le 1er février est dédié. Mais l'aura prépondérante de l'évêque Patrick l'a hiérarchiquement et médiatiquement emporté sur sa contemporaine nonne (qu'il avait lui-même baptisée à l'époque, le monde était déjà si petit). Il n'y aura donc guère de libations en musique en l'honneur de Brigitte, hélas. Too bad.
(A propos : la patronne n°1 de la France n'est pas Ste Jeanne d'Arc, mais Notre Dame, donc Ste Marie. Fêtée le 15 août. Mais là, je m'égare vraiment).
Commerce
Je crains que derrière ces transplantations néo - et pseudo-celtiques il n'y ait de fortes arrière-pensées mercantiles. Dieu soit loué, cette sorte d'après Halloween pré-printanière, qu'on vend à des adultes avertis, n'est certes pas à ce jour un phénomène de société particulièrement menaçant. Wait and see.
Concluons : malgré ces doutes annuels et mes divers scrupules, je ressortirai mon bon vieux répertoire folk irlando-écossais de ma boîte à morceaux au D-day (et ce n'est pas du U2). Même si un saint peut en éclipser un autre, l'occasion fait le bon larron, ne crachons pas dans la soupe au potiron en automne, ne mettons pas en bière ces possibilités d'évasion au printemps, tant qu'il y aura des danses et des ballades, isn'it ?
(A suivre : la Saint Vincent pour pas un rond)
Amato, version idéologue-moraliste