Shamalow et néotrad - 1/2
Tu connais la chanson de Joe D. « aux Champs Elysées » ? Boooon, tu te racles la gorge et tu te lances :
« je m’ baladais /à Saint-Gervais / entre les parquets / où qu’ça dansait / et j’portais mon attention / sur les couples en connexion… » Pas mal, pas mal du tout ; faudrait seulement que tu montes un peu la 2è note, que tu baisses par contre la 4è, un ton plus bas pour la suivante mais carrément 2 tons plus haut pour les 2 suivantes… presque parfait sinon !(Grrrr) Tiens de la musique irlandaise, ouaaah j’adore. Oh déjà elle s’arrête. Ah oui, c’est simplement une remise en mémoire, un quadrille se met en place, 4 couples font une petite démo et hop, la musique se lance pour la série de figures et tout le parquet s’élance (body, show the lady, house, lucé (ah non ça c’est du basque)… Juste devant moi, le couple est composé d’une jolie fille tout fine qui semble tout à fait à son aise et d’un bonhomme 2 fois plus grand et 2 fois plus large qu’elle, ce qui fait donc 4 fois et demi son poids (ben oui, allons, 2 fois 2 ça fait bien 4 mais tu zappes son bedon au type !) qui semble extrêmement concentré, tendu comme une peau de bide après un bon gueuleton. A mon avis (pas humble du tout, tu penses, je suis d’un prétentieux ! Ah tu le savais…) il n’a même pas remarqué qu’il danse avec une jolie fille, pas un regard, même pas furtif. Par contre elle, même si elle ne le regarde pas, est connectée : pour toutes les figures, elle est très très légèrement en avance. Il n’a pas fini son tour qu’elle lui saisit déjà la main pour l’entrainer dans le « house » suivant et le house presque terminé, elle se détache pour le tirer dans le traversé..
Fin de la première partie ( y’en à que 6), démo de la seconde et c’est reparti ! Je biche, même comportement du couple devant moi. Puis c’est la 3è. Et je remarque que le grand balaize se détend un peu, il semble rassuré. 4è puis 5è partie, il esquisse un sourire et se redresse. Et le final très vif sur cette musique si gaie et c’est fini. La jolie nana, tout heureuse, part tout de suite en discussion avec les autres personnes du quadrille, ça baigne dans le bonheur.
Son partenaire n’est pas connecté, sinon avec lui-même. Il est tout droit, les yeux brillants de fierté survolant l’assemblée : ça y est, les sets irlandais, il maîtrise ! Il vient de le prouver au monde. Il rayonne, il triomphe, Ran ran ran fermez le ban. Hein, y cha meum’ pas aperçu euq ch’est eul l’aut’ femm’ qui l’a m’né din tou l’ dinss’hein ! Presque comme dans la vie de tous les jours ! Si tu cherches un mari, te peux l’printt’ euch t’y làl’, y ch’ métro nin din tes guimb quint te chro din’ t’cujin à fair’ eut’ ménache hein tchiote !
C’était donc de la connexion, pas ADSL c’est sûr mais au moins RTC, et monorail, ou unijambiste comme tu veux.
Quelques temps plus tard, le soir. Les bals sont en cours. Un gars que je connais bien, pas mauvais danseur, entre sur un parquet. Un duo de jeunes musiciens est sur scène. Une valse est annoncée. Le gars regarde autour de lui. Une dame seule à proximité. Il l’invite, elle accepte. Elle est italienne et connait quelques mots de français, il ne parle pas italien du tout. Ils se mettent en position et écoutent la musique qui vient de se lancer. Elle est virtuose cette musique. Les deux l’écoutent très attentivement mais semblent dubitatifs. Ils hésitent. Se lancent mais arrêtent aussitôt. Puis reprennent et stoppent. « Vous discernez les 3 temps » demande t’il ? « Non per ora » répond-elle. Ils finissent par se lancer, puis par se rassurer. Du monde sur le parquet, il faut danser en retenue. C’est facile, elle est très bonne danseuse. Un espace entre deux couples, il emmène vivement son italienne vers la gauche sur un tour de valse, une petite courbe sur le tour suivant et il l’entraîne sur la droite pour contourner le second couple. Slalom sur parquet de danse ! Elle sourit, il biche.
Un espace ! Il se lance pour l’occuper, décrit un petit arc de cercle et les voici en valse « à l’envers ». Jusqu’à ce qu’il lui semble être la fin du thème musical, alors une petite évolution en « huit » et ils sont de nouveau en valse « à l’endroit ». Et là, elle lui dit : « changement de pas » . Il ne comprend pas. Serait-il à contretemps ? Ben non ! Il lui dit « je ne suis pas sur le musique ? » déjà prêt à s’excuser.
“No, no,” dit elle “ tutti e perfetto! Vostre changément de pass entre la valsa controsenso et la normale, prima ! Vous le premier danseur à St Gervais qui fait ça avec moi ! » Wouaaahh ! Il pèse 10 kilos de moins, les ailes lui poussent dans le dos ! Mais fin de la danse. Ils applaudissent. Puis il se tourne vers elle… mais elle est déjà partie… Belle petite connexion là, non, tu ne trouves pas ? Et dans le Wifi bidirectionnel cette fois !
Coucou, me revoici, avec un ami musicien cette fois, un « vieux de la vieille ». Elevé sous l’oreille, pas nourri à la partition si tu vois ce que je veux dire. Nous déambulons en devisant. Un parquet se rapproche. (Enfin, c’est nous qui nous approchons du parquet, c’était une image hé Dugenou !) Une cohue indescriptible. Ça gigote dans tous les sens. Beaucoup de jeunes. Qu’est-ce donc ? Sur scène un trio de jeunes. Un déluge de notes. Comme une grosse averse. Nous tendons les portugaises (désensablées) pour tenter de reconnaître. Nous finissons par découvrir une bourrée à deux temps dans le fatras musical. Mais pas de thème perceptible, ça débite la note au kilomètre. Pas étonnant alors que les danseurs ne montrent aucune cohérence ! La musique se termine, ovation de la salle !!!! Nous nous regardons atterrés ! Incompréhension chez nous ! (à cet instant de mon récit, si un certain Hervé, musicien de son état, flûtiste en particulier me lit, je lui demande instamment de ne pas continuer sa lecture : ce qui suit le dépressionniserait gravement sinon pire ! Je t’ai prévenu Hervé et paf !) Nous allons partir de cet endroit, le fuir même… voilà qu’ils annoncent un rond de St Vincent ! Mon copain me dit : « on va écouter ça, pour voir ».
Les gens connaissent, ils forment les cercles, certains montrent le pas. Ils sont prêts. La musique démarre. Une intro en très mineur de fin fond de mine puis le thème principal débute. Pareil, payés à la note, ils seraient déjà riches. Les gens bricolent le démarrage de leur danse. Les cercles sont décalés mais qu’importe, ça ressemble quand même à un rond de St Vincent, les pas y sont, même si pas syncro entre eux (avec la musique ce serait impossible de toute façon). Puis l’orchestre monte en puissance, la tension envahit le parquet. Et l’orchestre change de morceau, ils entonnent une chanson. Les paroles me semblent être tirées de la variété actuelle et la musique sur 3 notes me dit quelque chose mais quoi ? Au pire c’est du Cabrel sinon plus pire encore ! Le rythme s’agrippe à celui du rond de St Vincent mais ça glisse. Les jeunes sur le parquet connaissent la chanson, ils reprennent en cœur. Leur danse se rétrécie, le rythme s’élague. Le déplacement de la ronde SAM ralentit, puis cesse. Le pas devient minimum, un pied devant, puis derrière, sur place. Nous nous regardons, effarés. Comment s’appelle cette façon de jouer déjà ? Le nom de cette musique au kilomètre ? Du vélo-rail ? Non mais un mot comme ça… ?
Et attends, le pire du pire… assieds-toi, respire profondément, vérifie ton pacemaker : le jeune diato du groupe m’avait dit un jour qu’il n’aimait pas le jeu du « vieux » avec qui je déambule à l’instant dans les allées de St Gervais « parce qu’il n’était pas assez trad » !!!
« Aux rames citoyens, sortez vos avirons, ramons, ramons dans la bouillasse des bœufs et des couillons « !
A suivre...
Jean-Paul d'Infofolk