Sous nos talons, la plage ?

Quelles chaussures pour un bal folk ?A nos pieds, chaussures de danse ultra-souples et à talons, ou bien sans talons, chaussons de gym, mocassins bateau, baskets de couleur assorties à nos vêtements, chaussons lacés dits de danse jazz, baskets lourdes et sans grâce mais merveilleusement confortables, chaussures de ville choisies avec un soin jaloux avec pas de danse dans le magasin au moment de l’essayage, improbables sandales assouplies par des dizaines de bals…

Et sous nos pieds ?
Le lino du gymnase, qui colle aux semelles... Le carrelage de la salle polyvalente, rugueux au début du bal, humide et glissant à la fin, oups. Le parquet flottant de la MJC des années soixante, si mignon avec ses carrés de petites lattes tachées placées d’équerre, mais comme on l'entretient bien, on l'a tant ciré qu'il glisse glisse, oups oups. Les dalles de pierre solennelles du rez-de-chaussée de l'Hôtel de Ville, si belles sous leur multiséculaire patine, mais qui ondulent gentiment sous les pas des danseurs, - attention ! Les dalles plastiques épaisses et moelleuses du Palais des Sports, gare au coin qui se décolle... Et même le ciment craquelé et peint en jaune pisseux du Foyer Notre-Dame-des-Petits-Oiseaux, neuf en 1954…
...ceux-là, disons-le, font mal aux chevilles !

Ou alors :
Le parquet sous chapiteau de l'entreprise Muller, Meyer et Schmidt, les meilleurs de l'Alsace bleue, fleurant bon le pin neuf, gare aux échardes, et qui grince dans les coins, gni, gni... Le parquet sous chapiteau de l'entreprise Muller, Meyer et Schmidt, les meilleurs de l'Alsace verte, fleurant la poussière et qui cache au bord des lattes, sous une trompeuse patine, des esquilles prêtes à s'arracher, ouille, ouille...
...ceux-là, disons-le, sont des traîtres.

Rêvons alors du parquet noir de la salle de répétition du Ballet de l’Opéra, à double lambourdage, oh tellement meilleur, où la moindre impulsion vous soulève si haut sans effort, et où le pied se repose sans choc, sans douleur, même à la millième fois ! Mais sans aller jusque-là, et pourquoi pas le parquet sur lambourdes de la Vraie Salle de Bal, simplement fait pour nous ? En privé, je vous offrirai bien le parquet « point de Hongrie » de mon salon, sur lambourdes encore, mais ce sera intime...

Les voilà, ceux-là, doux à nos pieds, nos chevilles, nos genoux, et même nos reins. Là, nous dansons jusqu'à l'aube en douceur, car chaque pas lance dans nos articulations une onde de choc... ou une caresse.

Mais je connais un parquet, le roi des parquets, loin d’ici. Lattes étroites de chêne rustique assombri, quelques douces irrégularités peut-être. Jamais ciré : il est entretenu, le croirez-vous, avec une serpillière trempée dans de l'eau chaude avec un peu d'huile de lin, et essorée : il en fume. Il luit doucement le jour. Le soir, à la douce lumière, il ploie délicatement sous le pied, sans surprise, puisque celui-ci déborde de la latte étroite. On peut y glisser sans bruit, ou le frapper, il est beau, tendre et amical comme une caresse.

Comment est-ce possible ? Eh bien ceux qui l'ont fait, il y a quarante ans, l'ont amoureusement poncé, huilé, égrainé – et depuis, on n'y marche, on n'y danse que pieds nus. Quarante ans à plante douce! Quel résultat !

Déchaussez-vous. Quelle volupté !

Cheveux gris